La composition musicale en soi est pour moi une entreprise utopique: dans l'effort, dans le travail de longue haleine pour transférer dans notre univers sensoriel une image rêvée (une image sonore) inouïe, lointaine et perceptible seulement de façon estompée - pour donner au spirituel la densité d'un matériau. L'utopie d'un son lointain [eines Fernen Klanges] est ici l'étoile du berger que je ne peux certes moi-même jamais atteindre, mais qui me conduit sur de nouveaux chemins et qui enrichit ainsi l'horizon de mon expérience. L'acte de composer est donc toujours lié pour moi à l'élargissement de la conscience et à la réflexion sur soi.
qui s'engendre elle-même en un processus ouvert au lieu de représenter un objet fermé;
qui est infinie, car elle n'est tenue à aucune limitation temporelle;
qui, dans son foisonnement rhizomatique, se renouvelle toujours elle-même;
qui - du fait qu'elle apparaît toujours autre dans chacune de ses manifestations sonores - ne peut être reproduite, si bien qu'elle se soustrait à toute réification et commercialisation.
Je ne me réfère explicitement à aucune théorie scientifique donnée. Mais il est évident que cette esquisse de l'idée d'une Real Time Composition n'est pas réalisable dans le cadre de la division traditionnelle du travail (et notamment la séparation entre composition, notation et interprétation). La transplantation de cette idée utopique (à laquelle je travaille depuis un an) ne peut s'accomplir qu'avec l'aide de l'ordinateur. La machine, avec son "savoir" compositionnel programmé, incarne à la fois le compositeur qui crée la structure et l'interprète qui lui donne une existence sonore: ici, la composition et l'interprétation coïncident.